COPERNIC 2 – De l’altérité dans le contexte
Contextualiser, c’est s’approprier une perception.
(Alors oui, on va encore dire que je me répands odieusement en merleaupontyseries, ce qui n’est pas tout à fait faux. Néanmoins je poursuis et oui, je vais révolutionner la philosophie moderne, pour répondre à un lecteur qui se reconnaîtra.)
I. Etat de l’Autre
L’Autre peut être présent ou absent (A, 1), de même qu’absent dans la présence (A, 2). L’état d’absence émane de l’absent mais ne génère de réactions que chez le présent (B). Tout l’art d’enfoncer des portes ouvertes.
A. L’absence
Un exemple simple : l’absence. L’absence est un état de fait, ou plutôt, de non fait, qui se décide aisément, mais qui n’est pas toujours évident dans la pratique. L’absence est une réponse de passivité en réaction à un stimulus, donc, une activité.
1. Le vide physique
Le vide physique est évidemment l’absence la plus manifeste, puisqu’elle nous prive immédiatement d’une chose ou d’un être. L’absence physique est en premier lieu ce qui permet de prendre conscience de son usage (la chose), de sa personne (l’être). Le vide physique nous renseigne sur ce qui est grâce à ce qui n’est pas ; le raisonnement se fait ‘ab’ nihilo, d’après le vide : naissent, de là, les sentiments de perte et d’oubli, les angoisses sur la mort et sur la solitude, les désirs matérialistes, sentimentaux ou sexuels. Le vide physique provoque donc une frustration s’il n’est pas souhaité, ou un soulagement dans le cas contraire ; mais le vide physique, s’il permet de prendre conscience de ce qui émane de nous, ne permet pas – si c’est un Autre qui manque – de prendre conscience de nous en tant que soi.
2. Le dialogue
Dans l’absence, notons également l’absence de réponse. Ne pas répondre, c’est éviter le dialogue, c’est-à-dire la contradiction, la confirmation, la confortation, et d’autres choses qui commencent par con (et n’y voyez pas un jeu de mots douteux ; le con préfixe est un résidu du cum latin, qui signifie avec). Il y a, dans le dialogue même, l’absence de motif (à dialoguer), qui aboutit rapidement à la fin dudit dialogue. L’absence de motif, qui lui-même émane en général de l’absence de sujet, porte en lui le germe l’absence de dialogue. Engager une conversation sur le temps, par exemple, ne génère pas de vrai dialogue, pas à moins de rapidement dériver sur un autre sujet. L’absence d’arguments permet de promptement supposer des choses plus ou moins agréables de son interlocuteur, qui souffre de cette absence :
- il ne sait pas de quoi je parle (je est ici celui qui initie le dialogue, avec motif).
- il ne sait pas assez de quoi je parle et n’a pas la possibilité (ou le talent) d’émettre un point de vue contradictoire ; il ne lui reste qu’à confirmer poliment ; fourbe ; ou à avouer son ignorance (et envisager à ce titre un autre dialogue, fonder sur les questions génératrices du motif). Dans ce cas-là, poursuivons, et brodons sur le motif.
(Attendu que je raccourcis nettement mon propos pour vous éviter des verbiages pompeux.)
B. Proposition sur l’absence
1. La provocation
L’absence peut être générée par celui qui la désire. Elle est donc une réponse négative à un souhait qui émane d’une autre personne. L’absent peut donc l’être par force, mais aussi par envie. Dans les deux cas l’absence provoque au moins une réaction chez le présent : l’interrogation, et à terme, des hypothèses de réponse.
2. Mesure de la portée d’une absence
Elle se fait à l’aune de son propre nombrilisme. S’entend : une fois qu’on a fait le tour de sa propre personne, qu’on a épuisé les recours d’un égotisme pourtant forcené, il ne reste plus qu’à observer les conséquences de son attitude ou plutôt, à observer ce qui se passe en dehors des conséquences – puisque à l’égotisme, on ne peut pas répondre (exceptée peut-être, et de façon souvent morne, à l’égotisme littéraire) : la seule manifestation extérieure à des penchants nombrilistes est une non-manifestation, c’est donc l’absence (telle que vue en A (on ne va pas y passer le réveillon, je crois que le lecteur aura saisi)).
II. Vers la contextualisation
A. La contingence matérielle préliminaire : temps et espace
tout comme le présent dénature le fait dans la mesure ou il n’offre pas, intellectuellement et matériellement, le recul nécessaire, l’histoire lui donne du sens puisqu’elle dispose a posteriori de données "contextualisantes". [Obiter dictum : l’Histoire à ce titre permet de poser l’éthique en termes philosophiques et non pratiques.]
B. Les efforts
L’effort intellectuel permet d’expliquer là où l’effort affectif permet de comprendre. La raison s’interrompt où commence le sentiment. Contextualiser c’est faire l’effort de resituer un événement à un moment M, dans un lieu L, avec une personne P. L’enchaînement du temps vers l’espace et de l’unité vers l’autre (ensemble) procède d’une dynamique équivalente.
1. La jonction des êtres
2. Effort affectif
J’appelle « effort affectif » la boucle « réflexion – sensation – compréhension – empathie ».
a. La réflexion vers le ressenti
Le ressenti immédiat passe par l’émotion pure : les sens concernés sont la vue et l’ouïe. Ce sont les hypothèses dans lesquelles la faculté de se percevoir soi-même permettent la solitude : pas besoin d’expliquer pourquoi ou comment ; c’est, et c’est tout. En revanche tout ce qui produit une émotion de calcul, c'est-à-dire une émotion amenée par la conjonction de sensations, ou le complément d’une sensation par la réflexion sur cette sensation, exige un partage (ou permet une contamination, selon les points de vue). C’est à l’origine de cette volonté de l’altérité que naît la réflexion sur le ressenti, qui permet d’envisager son assimilation par l’être qui réfléchit – donc à terme, une contextualisation de l’émotion. C’est à ce titre que nous pouvons parler d’« émotion de calcul » ; pour autant le fait qu’elle découle d’un cheminement logique n’engage pas sa sincérité.
b. La compréhension vers l’empathie
C’est donc la compréhension qui permet de saisir la teneur d’une émotion, et c’est la conscience de cette émotion qui permet soit d’en supporter le fardeau, soit d’en apprécier le plaisir (c’est une vision peut-être un peu trop élargie de l’empathie, certes). Néanmoins il faut considérer que la compréhension vaut pour les émotions pures autant que les émotions calculées, dans la mesure où elle émane d’un sujet pensant extérieur à la première conscience de l’émotion (puisque ce caractère extérieur exige pour un sujet B, en vue de la compréhension, de réfléchir sur les caractéristiques de l’émotion provoquée chez le sujet A). La compréhension, en tant qu’elle permet de donner du sens à un contexte, peut évidemment ne pas conduire à l’empathie. Justement parce que grâce au contexte, un sujet pensant et capable de déterminer ce qui le touche ou non.
C’est toutefois la contextualisation qui permet de résoudre des énigmes affectives, puisque c’est l’étape que ne franchit pas la réflexion ; attribuer un contexte, c’est dépasser le bon-sens, c’est voir « comment » les choses se produisent et génèrent d’autres choses, en effleurant le « pourquoi », mais sans se perdre dans ses mystères.
Contextualiser, c’est s’approprier une perception.
W***