Sunday, July 30, 2006

The last time I saw Richard (*)

Voilà, c’est fini, pour mieux recommencer manifestement puisque déjà, je sais que m’attendent un nouvel appartement (et le déménagement qui lui est consécutif) mais dans le même immeuble qu’avant ; un nouveau job, pour août, dans une nouvelle agence mais toujours pour la même banque ; une nouvelle année universitaire… Mais toujours dans la même fac. Tout est nouveau, en restant ancien, tout reprendra, la sécurité du continu avec j’espère l’intérêt d’une certaine nouveauté. Les échéances se rapprochent, se dissolvent dans le temps, comme « les cercles de plomb dans l’espace » - oui, je réutilise cette métaphore du temps employée par Virginia Woolf dans Mrs Dalloway. Les cercles, les heures, et l’insupportable recommencement, là où tout s’arrête. Je repense parfois à cet écrivain (dont évidemment le nom m’échappe au moment où cette anecdote ressurgit, comme si mon esprit cloisonnait précautionneusement mes fonctions de penser et d’écrire, et n’y laissait des voies de communication que restreintes) au sujet duquel j’avais lu qu’il s’était suicidé à cause de sa montre à quartz, terrorisé par le cours du temps qui n’était plus circulaire, mais linéaire ; qui certes recommençait à zéro, mais plus à ce 12 rassurant, plaisantin ; « ici commence où tout finit ».
W***
(*) Chanson de Joni Mitchell.

Sunday, July 02, 2006

Onanisme réflexif sur la supposée portée cathartique de l’écriture en ligne (dit aussi « blog »)

Je ne crois pas, contrairement à ce qu’on peut entendre souvent ou dire parfois, que le blog soit le miroir de celui qui l’écrit. Ou alors, s’il l’est, c’est un miroir sans teint, ou concave, ou convexe. Lorsqu’on décide de raconter sa vie, jusqu’à un certain point, on attribue à son personnage, c’est-à-dire soi-même, un peu plus – voire, un peu moins – de ce qu’on voudrait qu’il se dise ou se pense sur soi. On concède volontiers, on accorde en vain ; mais dans le même temps, on en devient plus intransigeant, plus tranchant.

Je ne dis pas que les blogueurs sont des menteurs. Je ne suis pas un menteur. Cependant des histoires que je raconte sur mes blogs, je retire volontairement les parties, les anecdotes qui révèleraient trop de moi – et dans le même temps, je me surprends à lire d’autres blogs dont le processus d’écriture est exactement l’inverse. Il n’y a pour autant pas selon moi des façons de se dévoiler meilleures que d’autres. Je note avec regret et soulagement que mes blogs sont moyennement, peu ou pas du tout lus. Ils sont un exercice d’écriture, de vente de moi-même à distance. Je me sous-estime avec la même régularité que je me surestime. Je noie le poisson dans le champagne, en espérant que sa suffocation sera plus plaisante dans de fines bulles.

Ainsi je parle très peu de ma vie privée, ou plutôt sentimentale ; ou lorsque exceptionnellement cela m’arrive, c’est de façon très imagée, très détachée. Je construis mes blogs comme des publicités de moi-même et, à long terme, de ce que j’écris et que je voudrais voir un jour dans la vitrine de mon libraire. Je me fais un peu penser à cette amie qui me disait qu’avec les garçons qu’elle fréquente, elle est en représentation. Ils ne la voient pas malade, pas de mauvaise humeur. Elle semble dépourvue de tout organe qui l’obligerait à quitter son image papier glacé, et qui la contraindrait à dire, même avec élégance, qu’elle doit aller « se rafraîchir », « se repoudrer » (les hommes savent très bien que les femmes ont une vessie de lapin et qu’elles doivent aller aux toilettes toutes les demi-heures). Si d’aventure elle devait être malade à crever, elle préfèrerait prétexter un voyage impromptu, un imprévu familial plutôt que d’avouer qu’elle a croupi au fond de son lit pendant une semaine, ou qu’elle a craché des seaux de glaires, ou pire encore.

Je n’en suis pas là. Ce doit être épuisant. Certes, lecteurs, je vous cache des choses, celles que je considère peu intéressantes, ou vraiment trop indiscrètes, ou dangereuses pour mon intimité. Pourtant je vous raconte aussi quand je ne vais pas bien, quand je perds pied. Je vous ai parlé de Tercian et de mon psy moins que de champagne et de MP (Mamie Porto, un de vos personnages secondaires préférés).

Je suis toujours moi-même, mais pour vous, je suis un autre. C’est la raison pour laquelle je prétends être moins intéressant de vivo ; parce que je ne me rédige pas, parce que je suis moins représentatif, moins résumé, beaucoup plus délayé. Seul, je peux être un mur. Peu de gens tolèrent mon silence parfois absolu. J’ai déjà rompu – ou on m’a quitté – pour ça, pour mon « moi-blog-promenade-du-dimanche », calme, en retrait, gentil quasi-dépressif un peu pénible (par exemple, on sent bien que j’écris le présent texte un dimanche). Quand en revanche je suis avec au moins deux personnes, je papillonne, je papote, je suis « moi-blog-en-semaine ».

Chaque plaie que j’ouvre un jour de travail, je la ferme un jour de repos.

W***