Monday, January 29, 2007

Vierzon, étape touristique

Ville d’un certain nombre d’habitants, et qui me sont encore inconnus l’une comme l’autre, de même que la superficie, l’artisanat et le département. D’après mon atlas géographique mondial, qui a le mérite de situer cette localité, nous pouvons dire que Vierzon n’est pas très loin de Romorantin-Lanthenay, ni très loin de Bourges, ni très loin d’Orléans. Et vu que d’Orléans, il faut une heure pour aller à Paris, on peut dire que Vierzon n’est pas très loin de Paris. Donc en tout état de cause, n’est pas très loin de Marseille non plus, grâce au TGV.

Vierzon présente une immense particularité : celle de n’en présenter aucune. Je fus forcé de m’y arrêter car je devais y prendre une correspondance ferroviaire pour Toulouse. C’était la nuit. Deux heures d’attente. A Vierzon.

De prime abord, la gare ressemble à un entrepôt désaffecté. Un chef de gare aviné, agitant sa lanterne en tous sens pour qu’on le remarque, m’indiqua un bureau de presse encore ouvert à « cette heure tardive ». Nous approchions en effet vingt-deux heures. En sortant de la gare, on a l’impression d’être cerné par des bâtiments d’usine en tôles et briques grises -mais vous connaissez le dicton : la nuit, toutes les tôles sont grises. Mais, constatation faite, ce n’est pas une impression. En prenant son courage à deux mains, et ses jambes à son cou, au delà des usines en question, on tombe sur la ville, la vraie, ah ah ah.

Première incursion. Un petit parc où un gazon verdâtre refuse catégoriquement de sortir de terre, tellement c’est moche il préfère rester dessous, voit en son centre un bassin circulaire, dont le centre lui-même présente une statue en bronze élevée à la gloire du héros, ou plutôt, de l’anti-héros de la ville, un homme ressemblant curieusement à Jean-Marie Messier sous les éclairages verts et roses, un homme dont j’ai oublié le nom au moment où je l’ai lu. Je me rappelle juste qu’il fut le précurseur du machinisme agricole français, c’est dire s’il lui fallait passer à la postérité. Dans le restaurant d’à côté, qui a les allures d’une cantine d’hospice, quelques grabataires tâchent vainement de s’égayer lorsqu’on leur apporte une tranche de blanc de dinde. L’un d’entre eux glisse de son fauteuil roulant, permettant ainsi à ses petits camarades de se fendre un peu la gueule. Mais pour tout dire, les pauvres vieux semblent complètement extérieurs à leurs fins de vies, à leurs rires tout en dents artificielles.

Je poursuis mon chemin. L’éclairage austère me permet de déchiffrer une pancarte : « Musée du fil de soie ». Nous voilà renseignés sur l’artisanat local. J’avance encore. Un débit de boisson est éclairé, et son enseigne « Presse » me laisse croire que j’y trouverais une revue pour patienter pendant le trajet jusqu’à Toulouse, pour peu que je sorte vivant de cette ville, ce qui me semble être de plus en plus incertain.

A l’intérieur, le temps semble aussi s’être arrêté. Même la fumée est trop lourde et trop paresseuse pour quitter la pièce grâce à un lointain courant d’air chaud sentant la frite et l’andouillette à la crème, avariées (les trois). Les gens me regardent avec des yeux – me voilà rassuré – qui semblent avoir la consistance de gelée de mûres et l’air intelligent d’un porc mené à l’abattoir. Je suis moins rassuré, d’un coup. Je suis scruté, détaillé, comme un monstre venu d’une autre planète, ou peut-être pire, d’un autre département qui n’est pas le Cher (je m’en rappelle maintenant).

Le cafetier, dont le système pileux semble ne s’être développé qu’entre son nez et sa lèvre supérieure, me toise d’un oeil torve et m’annonce d’une voix peu assurée, et portée par une haleine rappelant un mélange mauvais rouge/camembert/saucisson : « La Revue Française de Finances publiques, on connaît pas. » Je me rabats donc sur le Super Picsou Géant, et je sors, courant presque.

Je m’enfonce dans la ville. Quelques magasins de chaussures orthopédiques, des pharmacies. Un restaurant vietnamien ferme ses portes. Quelques adolescents passent et ricanent bêtement, me laissant croire que dans cette ville, seuls les 13-19 ans sont à peu près aussi fins que ceux qu’il m’a été donné d’observer ailleurs.

D’autres magasins. Des Galeries La Fayette, probablement aussi vieilles que le baron Marie-Joseph lui-même. Les vitrines sont à la mode des années soixante, je m’attends presque à tomber sur un tailleur Jacky Kennedy. Je change de trottoir. Je m’aperçois alors qu’ils sont totalement vierges. Pas une crotte de chien, ou de chat, ou de vieux. Soient les gens sont très propres et nettoient derrière leurs animaux domestiques, soit il n’y a PAS d’animal à Vierzon, et que les seuls spécimens sont ceux que j’ai vu juste auparavant dans le restaurant près de la fontaine, et dans ce cas là ils ne sortent pas. Ou portent des couches.

Enfin, une place, et sur cette place, des platanes. Mais pas n’importe quels platanes : des platanes de Vierzon. Les platanes vierzonniens (vierzonnais ?) ressemblent aux vieux vierzonniens (vierzonnais ?) : on les croit morts mais ils sont encore vivants. L’avantage, c’est qu’un arbre n’est pas incontinent et réclame rarement du rab de blanc de dinde.

Je suis ensuite retourné à la gare, terrassé, terrifié par ces visions odysséennes.

Mais cela ne s’arrête pas là.

La gare devant fermer (il est tellement tard... Bientôt vingt-trois heures...), les quelques hères attendant leur trains, et dont je fais partie, sont conduits dans une petite pièce garnie de petites banquettes douillettes et moelleuses. Je me dis que je vais pouvoir sommeiller un peu, mais un panonceau interdit formellement d’y mettre les pieds, mêmes déchaussés. Qu’à cela ne tienne, je vais dormir assis. Mais les dossiers sont trop courts, et il n’y a nulle part où poser sa tête à moins de se faire une élongation de la trachée artère ou de trépasser pour cause de rupture de la jugulaire.

Heureusement, j’ai mon portable, il a des jeux. Donc je joue pendant la dernière heure d’attente.

La fin de l’histoire, c’est qu’une fois dans le train, et malheureusement en seconde classe (car je n’avais pas pris de réservation, bêta que je fus), je me suis enfin assoupi. A mon arrivée, on m’avait volé mon portable et refilé un rhume.

*Vierzon, histoire vraie – année 2003 ; P.U.R.E.E., tome 1*

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