Sunday, June 25, 2006

Intermède entre XXXVI et XXXVII

J’aimerai avoir une existence drôle et dramatique.

Drôle, je m’en sors pas mal. Je travaille le dramatique.

Avant de passer à la lecture de cet intermède, un peu de musique pour vous mettre dans l’ambiance de son écriture.

Il y a quelques temps, j’avais écris un poème sur le Pincio, que j’avais imaginé vidé de ses promeneurs – bien avant, déjà, je m’étais inspiré de la chanson Belle abandonnée de Brigitte Fontaine pour écrire Le Jardin d’enfance.

Ce poème, le voici.

Dans les allées tiédies par le soleil naissant,

Et dans les eaux verdies par les algues du lac,

On devinait encore un magnifique parc

Devenu triste et mort, sans souvenir récent.

Cependant il passait, en des temps plus anciens

Pour un charmant endroit, couru et visité

Par des dames pressées, des enfants exaltés,

Qui en devenaient rois dans leurs jeux anodins.

Les haies étaient taillées, les bancs entretenus ;

Les gens s’y asseyaient, n’ayant pas peur du noir

Dont parfois s’imprégnait le jardin vers le soir.

Les pudiques geignaient de voir des statues nues

Etendre dans les airs leurs membres blancs et froids,

Donner des directions inconnues et secrètes,

S’étreindre dans la pierre en des courbes parfaites,

Rendues sans prétention maîtresses de l’endroit.

Les bosquets arrondis, les fleurs multicolores,

Rendaient les vieux aigris soudain plus agréables ;

Les femmes sans vertu devenaient respectables,

Leurs chairs caressées nues d’un reflet pourpre et or.

Toutefois les hivers succédant aux automnes

Ont dépeuplé l’endroit des ses êtres vivants ;

L’herbe rase et sévère allongée par le vent

S’assombrit dans le froid des arbres qui frissonnent.

Le parc s’est éteint, comme s’éteint le feu,

Se consumant sans fin – tant qu’il reste du bois ;

Et s’évanouissant dans l’approche du froid

Dans un crépitement lancé comme un adieu.

Dimanche j’ai retrouvé, à la Villa Glori, la synthèse de la chanson, de mes poèmes, de mes idées. La Villa Glori, c’est un grand, grand parc, surélevé au dessus de la piazza Euclide et d’une curieuse église, construite dans un style à cheval sur le Baroque et le néoclassique.

A Villa Glori, personne ne vient.

Seuls quelques joggers, deux vieilles dames, un monsieur qui promène ses chiens. Ce fut, le dimanche 25 juin 2006 à 16h., sans doute à la fois le plus calme, le plus vert et le plus grand endroit de Rome. J’ai imaginé sans peine la Villa Borghese et son Pincio, quelques kilomètres plus loin, surpeuplés d’enfants hurlant pour une glace, de touristes se pressant à la location de barques pour canoter un quart d’heure sur le petit lac. A Villa Glori, personne n’est dupe. On ne vend pas de glace, sauf bien sûr en dehors du parc. On ne canote pas, d’ailleurs il n’y a pas de lac – tout ce qu’on peut faire, c’est suivre les petits sentiers boisés, au fil desquels on trouve d’énormes sculptures contemporaines, dont la ville s’est débarrassée ici. Ca ne dérange personne, des portes entrouvertes en béton armé de cinq mètres de haut, ou des confettis rouges de deux mètres de diamètre, inopinément dressés près d’un jardin d’enfants – sans enfants.

Les fleurs se sont semées, emportées par la pluie

Qui a creusé la terre en de petits ruisseaux ;

Et ce banc a rouillé, victime aussi de l’eau.

Mais pour être sincère et finir ce récit,

Hors des chemins tiédis par le soleil couchant,

La vie s’en est enfuie comme à la fin d’un drame,

De ce jardin prisé ou perdurent les âmes

De ceux qui l’ont aimé en ces instants touchants.

Villa Glori et dans sa gloire, les gens qu’on voudrait retrouver par hasard, les objets qu’on voudrait perdre par raison.

W***

0 Comments:

Post a Comment

<< Home