Saturday, January 28, 2006

La raison dans la répétition

On m’a fait remarquer hier, alors que je dessinais négligemment sur le carton d’une boîte à pizza, que mes dessins étaient souvent les mêmes. Cela tient d’après moi au fait que maintenant que j’arrive à faire ce genre de dessins assez bien – un visage de femme de trois-quarts –, je ne dessine que lui lorsque j’ai, dans la même admirable conjonction, un moment de libre, un support et de quoi dessiner sur ledit support.

J’ai fait, seul, une autre constatation. Je suis devenu un peu plus raisonnable. Ai-je grandi ? Je ne veux pas grandir. Je veux bien mûrir encore un peu, mais pas vieillir. Je ne veux pas que mon front se fêle en sillons dits léonins. J’ai pensé à cela, hier, en revenant du Gianicolo. Et en voyant, dans la vitre du métro, le reflet de mon visage et son front encore lisse, j’ai aussi pensé à Dolores Claiborne – du roman éponyme signé Stephen King – qui tomba amoureuse d’un garçon simplement parce qu’à l’âge où les jeunes hommes ont des boutons, il était le seul à ne pas en avoir.

Un front satiné et jeune.

En ordonnant mes gestes dans la solidité de l’habitude, en raisonnant mes faits dans les rassurantes structures de mon agenda, en interagissant avec le monde dans le tranquille exercice de la politesse et de l’élémentaire courtoisie, suis-je devenu raisonnable ? Dans la répétition, le mardi, de tout ce qui fut correct le lundi et la négation, le mercredi, de ce qui fut à peine passable le mardi, est-ce que je vis des jeudis sans trouble, des mercredis sans fautes, des samedis lisses quoique drôles, des dimanches… en attendant le lendemain ?...

Si je me répète, c’est que je suis devenu prévisible, et inversement, en bonne logique. Je pourrais prendre encore le temps de nager dans le Tibre ce soir malgré mon rhume tenace, de dormir sous un pont, ou sur un banc du Testaccio ; ou de courir demain matin après les pigeons qui envahissent, avec les vendeurs à la sauvette, la piazzale Flaminio ; de dessiner des moustaches sur les bustes sévères du Pincio – mais ce ne serait qu’une suite de caprices, pas une rupture entre un moi et un autre.

Je pourrais fuir, encore, Plus loin. Créer des habitudes plus lointaines, des répétitions sans contingences, inventer des raisons moins vagues et superficielles.

5 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Très belle écriture.

9:06 pm  
Blogger Walter W. Malldwight said...

Boarf je veux pas devenir raisonnable...

W***

9:47 pm  
Anonymous Anonymous said...

Surprenant comme blog.
Cela l'est encore plus quand on connait la personne qui se tient derrière les touches.
J'y suis arrivé par hasard (en est-ce un réellement ...)
Je constate que tu n'as pas changé depuis notre dernière entrevue. Un florilège de connaissances à faire effeuiller l’encyclopédie Larousse de G à J (je pense que ces deux lettres te feront penser … à toi).
Au début, je n’en étais pas sûr. En effet, les diverses photographies m’ont reflété un visage familier auquel je n’arrivais pas à placer un nom. Il faut préciser que tu n’avais pas les cheveux aussi longs. J’ai cru au début qu’il s’agissait d’un site web relatant la vie de Patrick Duffy.
Enfin bref, tout ça pour te dire : Hello !

2:54 am  
Blogger Walter W. Malldwight said...

Qui êtes-vous, "Utilisateur anonyme" ?

W***

12:45 pm  
Anonymous Anonymous said...

Repassant par là, je me suis bêtement rendu compte que tu avais répondu à mon commentaire. Et bien, l'utilisateur anonyme n'est autre que Jean-Michel.
Voilà, un mystère de moins dans l'histoire numérique.
Il est vrai que j'avais sottement oublié de préciser mon identité. C'est réparé.

2:28 am  

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