Sunday, June 11, 2006

Commentaire de la CR XXXIV

Introduction

Il faudrait sans doute commencer ce commentaire en rappelant la définition que, déjà, donnait l’auteur dans son Petit dictionnaire à Utilité Réduite à l’entrée alexandrin :

Alexandrin.

1. nm. Habitant d’Alexandrie.

2. nm. (oui, aussi). Vers de douze syllabes. Comme le disent ces vers attribués à Victor Hugo : « L’alexandrin je crains, zobi perlinpinpin / Je m’en lave les mains, poil au nez poil aux mains. » Comme on peut le remarquer, tellement habitué à faire des alexandrins, Victor Hugo en faisait pour toutes les occasions, mêmes les plus idiotes.

Le problème rythmique donne bien du fil à retordre aux poètes ; en effet se sentant obligés de faire des alexandrins parfaits, il arrive parfois que leur sens tienne de l’hermétisme le plus total, ce qui peut plonger le lecteur dans un profond désarroi.

Exemple :

« Le soleil nous chauffait mais retourne à l’aurore

Met son manteau de nuit et nous nos pyjamas

Un rêve nous absorbe en murmure de pierre

On ne connaît jamais la beauté quand on dort ;

Le son bientôt s’enfuit, plus d’ouïe, bon débarras

Le regard s’abandonne au mur de nos paupières. »

(© Walter W. Malldwight.)

La composition d’un alexandrin, au même titre que la recette du riz au lait, se divise en plusieurs étapes. D’une façon courante, un alexandrin se divise en deux, on appelle la rupture de milieu de vers l’hémistiche (ce qui rime avec biche, barbiche, miche et barmiche, en effet). Un alexandrin se divise parfois en trois, ou même quatre parties, comme nous le rappelle ce vers assez mauvais et pourtant célèbre, dont nous ne vous ferons pas l’affront de rappeler l’auteur :

« Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine ! »

Il n’est pas rare que le sens profond de la poésie échappe à certains auteurs qui s’y sont essayés. Dès lors ils deviennent, à défaut de mauvais poètes, de mauvais écrivains*. Néanmoins l’alexandrin, du fait de sa longueur poétique assez importante, peut faire l’objet d’une utilisation contemporaine dans divers registres :

« Amélie je te hais, Nothomb je te déteste,

Si jamais tu pouvais mourir d’un anapeste ! »

De l’approche de la poésie par Walter Malldwight, nous pouvons retenir deux aspects, assez contradictoires : à la fois un respect pour la forme (exactitude des alexandrins, recherche de la rime) mais, dans le même temps, un fond parfois léger, voire parfois, un sens absent.

Nous retrouvons dans cette chronique le ton à la fois grave et léger qu’il imprimait à ses premiers exercices ; rappelons-nous ces deux vers datés de 2001 :

« Elle a tout pris dans la maison

Mon cœur, ma vie, mes boîtes de thon »

En l’occurrence, Malldwight mêle dans ces cent quarante deux alexandrins (parfois faussés à cause de rimes masculines qu’il couple avec des féminines) des pensées sérieuses entrecoupées d’annotations qui, il faut bien le dire, représentent peu d’intérêt – et ne sont là que pour pointer à la ligne, faire du texte – voire, sont carrément connes.

Commentaire détaillé

Pour commencer, le titre nous révèle deux détails sur l’auteur. D’une part, sont goût pour les rimes faciles (qui ne se rappelle pas de son célèbre « Bovary est jaloux, ce qui rime avec bouh »), comme celles que l’on fait en associant un prénom avec un adjectif (« Tranquille, Emile », « Cool, Raoul », etc.). D’autre part, son ego surdimensionné qui le laisse imaginer que, le temps de l’écriture, l’esprit de Victor Hugo le possède (de mémoire, nous pouvons affirmer dans le présent commentaire qu’aucun Victor ne l’a jamais « possédé »).

La première strophe (vers 1 à 10) nous permet de supposer qu’il a écrit au jour le jour (« J’ai lu lundi matin », v. 1) ou, si ce n’est pas le cas, qu’il a pris des notes avant de passer à l’écriture propre. Ils nous y livre, après une considération idiote introductive sur la température estivale prévue à Rome, un doute sur sa capacité à retranscrire ce qui lui est proposé par l’inspiration (d’aucuns y verront un rappel à des vers de Baudelaire se plaignant de perdre cette même inspiration). Le terme de « marathon » pour lequel on « s’échauffe » (v. 8) laisse imaginer que l’écriture est un exercice au moins aussi délicat que la course de fond.

Du point de vue du vocabulaire, la répétition des « vraiment » (v. 2) ne trouve sans doute à jouer que pour une question de métrique ; tandis qu’au vers 10, le rappel phonétique « au bout »/« au bord » rythme l’alexandrin en deux temps, comme c’est déjà le cas dans chaque hémistiche du vers précédent avec l’opposition « Tout »/« rien ».

La strophe suivante est riche en allitérations en fricatives (sourdes : « vers », « inviolés », « volé », « vaut ») et sifflantes (sourdes avec les liaisons, une seule sonore, dans « restés »). Le vers 13 prend la tournure d’une maxime indépendante du reste. L’auteur nous livre ensuite un détail du réel (son colocataire s’endormant) avant de conclure sur son propre coucher (périphrase métaphorique « mes draps m’ont accueilli », vers 17), dont il espère qu’il sera salvateur et, qu’au terme de la nuit et de ses rêves (métaphore des « angoissants voyages », v. 19), il parviendra à écrire ce qu’il pense (opposition sémantique du « soleil » avec le participe « noircissant », qui rappelle phonétiquement le « noierai » initial, vers 20 et qui s’oppose également avec le « blêmi » vers 17) et mettra un terme à cette « sobre affliction » (affligé le Walter ; oui,mais pas suicidaire).

Les vers 21 à 26 (troisième strophe) n’ont d’autre but que d’indiquer l’écoulement du temps : nous sommes le lendemain (si). Les rimes sont ternes, pour ne pas dire « faciles », ainsi que le souligne lui-même l’auteur (v. 31), qui s’interroge sur le bien-fondé de cette poésie (vv. 29 et 30). Relevons un rejet (v. 25) et l’introduction du style direct (vv. 23 et 24). S’agit-il vraiment d’une « humeur imbécile » (v. 32) que celle qui semble se faire l’écho de l’incapacité exprimée dans les vers du « lundi » ? Dans les vers 35 à 39, l’auteur semble se placer au-dessus de ses lecteurs (peut-être « eux », ces « envieux », ces « chagrins esprits ») pour prendre une place à la fois dominatrice et victime (un « fusible » entre « eux » (dominant) et « le ciel » (dominé)). Le « ciel » est probablement à prendre au sens matériel et non pas religieux, puisque l’auteur évoque auparavant (même métaphoriquement) un « sol » dont il « décolle » (v. 35).

La réintroduction du style direct au vers 40 laisse supposer que l’auteur « atterrit » au moment où il le dit, puisqu’il est « déposé » (v. 41) sur le bord de son lit. La parenthèse qui suit n’est pas claire : parle-t-il de sa journée, passée comme dans un rêve, ou des rêves qu’il va faire, puisqu’il est sur le point de dormir ? Le café est-il seul responsable ?...

En commençant une nouvelle strophe, l’auteur commence encore une fois une nouvelle journée. Il réintroduit la réalité en évoquant son déroulement, marquée par l’introduction d’un vocabulaire familier (« lésiner », « marmots », « récré », « compères », se « siffler deux bières » ; « gueux » est ici ironique). Dans une nouvelle parenthèse, à mi-chemin entre la synecdoque et la prosopopée, l’auteur prête à son pied un sentiment de remerciement pour le baume qui le soulage. La prononciation de la langue italienne autant que la scansion exige dans le vers 55 que l’on marque la diérèse sur le mia de l’expression « mia mamma ».

Cette strophe ne présente poétiquement aucun intérêt.

La strophe qui suit nous présente la suite des aventures du pied qui, gonflé, ne permet pas à son propriétaire de le chausser comme souhaité (notons l’incongruité de la rime « ligament / élégamment », vers 59-61). L’auteur introduit par la suite deux personnages, Sandra, connue également sous le surnom de la Courge, et Alina, manifestement camarade de la première, qui apparaît pour la première fois dans les Chroniques. Il est probable que les adjectifs « agacée » et le familier « naze » n’aient été inclus que pour faciliter les rimes. Les « demoiselles » vont un peu trivialement « s’échouer dans une balancelle » (v. 65) ; le verbe rappelle évidemment le champ sémantique de la plage et de la mer autant qu’il sous-entend, probablement, l’état d’ébriété des deux jeunes filles (elle s’échouent bien sur la balancelle, elle n’y posent pas gracieusement le popotin). L’auteur loue « l’air frais » (v. 66) probablement parce qu’il berce (et fait taire) ses deux accompagnatrices, dont on sait qu’elles peuvent être particulièrement pénibles.

Nous retrouvons dans la strophe suivante l’opposition entre poésie et trivialité ; d’un côté la description romantique de la soirée (paradoxe, au passage, de la lune blanche et de l’eau noire, vers 67), avec, au vers 71 une transition (grâce au champ lexical de la bougie vers 69 (Alina est « éméchée » et a le teint « cireux »)) vers des considérations plus pragmatiques sur l’état d’ébriété d’Alina, qui a « le regard vitreux » (v. 72), expression qui trouve écho avec le terme « nette », deux vers plus loin.

Nous apprenons par la suite que l’auteur et ses compagnes sont rejoints par des « autochtones » (notons la rime avec « atone » qui, définitivement, court-circuite Alina de la réalité et surtout, de la sobriété) qui les font boire, sans d’ailleurs trop les forcer. Afin de respecter la métrique, il faut bien entendu lire les prénoms avec l’accent Italien (ce qui rappelle le « mia mamma » observé plus haut) : Simoné, Davidé, Lélé (qui est probablement le diminutif bêtifiant d’Emanuele).

La strophe se termine dans le champ lexical de la nuit, temporellement et matériellement (« trop tard », « rêver », « lit », « matin » comme adverbe dans l’expression « se lever matin », c’est-à-dire se lever de bonne heure).

Pas la peine de se demander comment vendredi est passé : avec une bonne gueule de bois (tournure métaphorique du « sans trop savoir comment », vers 87). Indépendamment de l’odieuse « saucisse » (v. 89) qui ne sert qu’à faire une rime atroce avec « Médicis » (v. 80), notons la métonymie « restaurant », qui indique donc qu’il y a mangé avant de se rendre « à Villa Médicis ». L’auteur nous sert ici un italianisme (puisqu’en Italien on dira plus couramment andare a Villa Medici (aller à) que andare alla Villa Medici (aller à la)) qui facilite le décompte de son alexandrin. La programmation, également, facilite la rime puisque Ravel va parfaitement avec Jarrell, et « Prisme » avec « romantisme ». D’ailleurs, l’auteur ne parle-t-il pas d’un « rien de romantisme » pour bien signifier que Ravel, malgré l’impression que l’on en a, ne s’inscrit pas dans ce courant musical ? On considère en effet qu’il est un compositeur moderne, avec toutefois des rappels classiques dans ses mélodies et orchestrations. Le Gaspard de la nuit est une œuvre pour piano de ce même Ravel, mais on peut également supposer un double-sens, avec un Gaspard qui viendrait la nuit, mais pas pour jouer du piano.

Malgré son attachement pour Philip Glass, comme il le souligne dans ses premiers vers, l’auteur semble avoir peu de considération pour son contemporain Jarrell dont il dit que son « œuvre expérimentale » (entre guillemets, vers 100, autant pour l’ironie sous-jacente que pour le propos rapporté des « agités du bocal », vers 99) lui a « haché le tympan » (v. 97) ; et s’il le dit, c’est sûrement vrai. A « tympan » il fait rimer un terme un peu familier du même champ lexical, « boucan ». Rappelons le goût de l’auteur pour les allitérations, avec de nouvelles fricatives (rime « fieffés »/ « qualifier » ; puis, plus loin, « filé » (v. 101) et « affidés » (v. 102)) et gutturales (« que quelques », « bocal », « qualifier »), toutes sonores.

L’évocation de la journée qui suit est placée sous le signe de la légèreté, l’achat d’un sac de plage (écho de la soirée sur la plage, quelques strophes plus haut). Le « Sahara » (v. 101) rappelle la « chaleur » évoquée plus bas (v. 103) autant qu’elle permet une rime avec Zara (v. 102). Le terme « affidés », qui appartient à un niveau de langue soutenu, contraste avec la familière « bronzette », vers 108, et laisserait supposer que les vendeurs de Zara seraient des êtres perfides qui poussent à la consommation, comme la banque mentionnée dans la troisième strophe. Le vers 104 souffre d’une succession d’allitérations en chuintantes et gutturales (« acheter », « sac », « cher », « cœur ») qui alourdit la lecture.

Légèreté, voire superficialité puisqu’en « passant chez Annabelle », l’auteur casse son image déjà fragile d’étudiant sérieux en prétendant ne rien entendre aux « décrets tordus » (v. 114) (rime et écho avec « ardus ») dans lesquels la « belle » est plongée.

Dans les vers qui suivent, Malldwight nous rappelle son affection pour les brocolis vapeur, auxquels il adjoint un peu de gastronomie locale avec la pizza (v. 116) et la mozzarella (v. 117) qui aurait une « curieuse odeur ». Il fait probablement référence à la mozzarella de buffle qui est un pur régal, et qu’il vous recommande, plutôt que la traditionnelle mozzarella de vache, quasiment inodore – et sans saveur.

Curieux dessert que ces « dix comprimés de levure de bière » (v. 120) qui, comme chacun sait, rendent les cheveux de l’auteur plus brillants, ses ongles plus forts, sa peau plus douce et ses poils plus soyeux.

La conclusion commence au vers 121 où, sur le ton de l’anecdote, Ouin-Ouin réapparaît, plus fatigué, plus épuisé que jamais, autant par le droit fiscal auquel il ne comprend toujours rien (puisqu’il n’a toujours pas appris l’Italien) que par les beuveries perpétuelles avec d’autres Espagnols (notons la charmante rime avec « Popaul » au vers 128) à cause desquelles (et des « alcools somnifères » mentionnés au vers 132) son foie est « nécrosé » (v. 126). Nouvelle allitération en gutturales, cette fois sourde, rehaussée par une assonance (« Engourdi »/« goûts », vers 132).

Nous apprenons au détour d’un vers que la semaine se termine (« un samedi soir », vers 129) et qu’à partir du vers 133, l’auteur écrit au temps présent (« voilà, il est minuit ») ; ce présent qu’il confronte au « instants singuliers » (v. 137) qui ont perdu de leur étrangeté et sont devenus, dans l’évocation du souvenir, un « passé régulier » (v. 138). Est-ce ce présent qui, dans l’expectative du futur approchant (« Lundi je reprendrai », vers 135) est devenu « réel » (v. 140), et qui est comme assené par des mots « qu’on ne veut pas pluriel » (vers 139 ; opposition lexicale avec le « singuliers » deux vers plus haut) ?... Et quels sont ces mots ?... Apprécions enfin, dans toute cette strophe et notamment au vers 136, la douceur du jeu des allitérations en sifflantes sonores et sourdes (plus particulièrement grâce aux liaisons).

Enfin, Walter Malldwight reprend la forme précédemment employée de la parenthèse qui lui permet, dans ses deux alexandrins finaux, et sur le mode de l’interpellation au lecteur, de conclure… En prétendant qu’il ne sait pas conclure.

W***

4 Comments:

Blogger Raphaël Zacharie de Izarra said...

Un texte peu connu de Victor Hugo

L'HALEINE SOLAIRE

Je déteste le soleil épais, pesant, éblouissant des beaux jours.

Les pluies en mai m'enchantent, étrangement. Un ciel couvert de nuages peut réveiller en moi les ardeurs les plus molles mais les plus authentiques. La vie, la vie poétique, cotonneuse, indolente, je la sens sous l'onde de mai, qu'elle prenne la forme de crachin tiède ou de grand voile humide. Mes humeurs s'affolent avec une exquise lenteur lorsque entrent en scène les particules d'eau qui virevoltent dans les airs, s'immiscent sur les toits, humectent les feuilles. Sur la ville la pluie vernale apporte une fraîcheur aqueuse pleine de l'odeur des champs. L'atmosphère est ralentie, trouble, chargée de réminiscences.

J'aime ne voir au-dessus de ma tête qu'un immense manteau d'une blancheur uniforme.

En juin le ciel entièrement couvert me donne une sensation d'éternité, de profondeur, mais aussi d'infinie légèreté. Les aubes de juin sans soleil me ravissent. A la lumière crue et directe de l'été je préfère la clarté douce et diffuse que filtre une barrière de brumes blanches.

En juillet je n'espère que l'éclat nivéen d'une lumière d'avril. Certains jours du mois estival la nue ne laisse passer aucun rayon, alors les champs de blé deviennent pâles comme si la Terre était devenue la Lune.

Août, je le préfère sous un vent doux et serein plutôt qu'embrasé par des tempêtes de lumière. Là, le monde m'apparaît sous son vrai jour : sans les artifices et superficialités communément inspirés par l'astre.

L'alchimie nuageuse provoque en moi un mystère de bien-être qui m'emporte loin en direction des espaces nébuleux, haut vers l'écume céleste.

Entre genèse des étoiles et éveil du bourgeon.

VICTOR HUGO

4:08 pm  
Anonymous Anonymous said...

Est-ce que je t'ai déjà dit que j'adorais te lire?
Parce que là, il faut que je le dise: j'adore te lire.

12:28 am  
Anonymous Anonymous said...

on ne peut se faire et se défaire tout à la fois, le don n'attend pas de retour, sinon il n'est que gargarisme.
w, je suis déçue.

12:14 pm  
Anonymous Anonymous said...

on ne peut se faire et se défaire tout à la fois, le don n'appelle pas de retour, sinon il n'est que gargarisme.
w, je suis déçue.

12:15 pm  

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