Sunday, October 02, 2005

Imagine, Générique. – (3)

J’allais en Bretagne et je venais de Moulins ; j’avais décidé de passer par Paris, au motif que je ne supporte plus les trains régionaux, leur lenteur et leurs multiples arrêts.

Je suis arrivé gare-de-Lyon vers quatorze heures, mon train pour Nantes était une bonne heure plus tard ; j’ai pris la 14, changé à Bercy ; et à l’arrêt suivant est monté un guitariste, frottant sans conviction les cordes de son instrument, sur lequel un autocollant indiquait, sans discussion possible, Birds are brilliant. Puis, un peu plus motivé, il s’est mis à jouer quelques accords. Au moment où il se mit à chanter (dans un anglais absolument irréprochable qui laissait supposer que c’était sa langue natale) une célèbre chanson d’un hippie débonnaire à lunettes au sujet duquel je dis régulièrement à Marion, pour la faire enrager, qu’il aurait dû être assassiné plus tôt pour épargner les oreilles du monde. Imagine, donc. De John Lennon.

Avez-vous jamais eu le sentiment que certaines scènes de votre vie vaudrait bien d’être projetée sur grand écran, avec des effets de caméra et une musique de fond ?... Avec mon air sérieux, mon bagage de cuir et mon cartable râpé, avec cette musique exécrable mais parfaitement chantée – tonalité, mesures, accords –, avec la lumière pâle et sans nuance des stations à ciel ouvert, j’ai eu l’impression, pendant quelques instants, d’être le héros d’un film dont c’était le générique de fin.

Juste avant Montparnasse, il a brandit un cendrier de métal qu’il a mis sous le nez des voyageurs de la rame. Ma pièce de deux euros était prête ; je fus surpris que d’autres voyageurs, au moins quatre ou cinq, donnent à leur tour une piécette au juke-box humain qui, en guise de remerciement secoua ses cheveux blancs mi-longs.

Je descendis à Montparnasse-Bienvenüe. Je n’aimais toujours pas John Lennon, mais cette interprétation m’avait évoqué de nouvelles images, de nouvelles idées – et cela valait bien deux euros.

W***

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